Amuras est un projet réalisé en Algarve, terre des grands explorateurs portugais, entre 2020 et 2023, combinant la marche et le geste photographique.
La pratique itinérante de «plein vent»¹ s’opère en fixant un cap et en dérivant.
En navigation, l’amure désigne la position d’un bateau par rapport au vent ou plus précisément le côté où les amures (Amuras en Portugais) reçoivent le vent : on dit bâbord amures quand le bateau reçoit le vent par bâbord (gauche) ou tribord amures quand il le reçoit par tribord (droite).²
L’idée est d’entretenir des rapports dynamiques et non binaires avec l’espace, l’éprouver plutôt que de lui assigner des fonctions ou des connaissances. Il s’agit plutôt de mobiliser le corps et les sens afin d’ouvrir des possibles dans la manière d’habiter ³ un lieu.
Le rythme lent et irrégulier de la marche s’installe dans l’espace. C’est dans une attitude de disponibilité et de réceptivité du détour que j’expérimente la lecture sensible de l’espace.
Amuras se chemine comme une mise en rythme de la pensée et des rêveries qui retentissent.
À travers des strates de réalités, à travers des détails oubliés du quotidien, je tente de lire l’espace sensible comme s’il me parlait directement. Objet de rêve, objet de poésie, objet d’utilisation pratique ou encore objet d’histoires individuelles et collectives, le territoire devient une vaste machine à explorer.
Des captations du réel, traversées pas des expressions du corps et du monde, viennent irriguer un désir d’embrasser le passage. Des combinaisons sensorielles font vaciller les codes communs, des points de vue se déplient, créant de nouveaux espaces à investir et à habiter.
¹ « L’expression « plein vent » a été établie par l’historien Franck Lestringant (1991), à propos de l’œuvre d’André Thevet (1516?-1592), auteur de la Cosmographie universelle et voyageur au Brésil, symbole d’une pratique de géographe préférant l’expérience aux autorités, et les sources qui relèvent d’une connaissance pratique (tels les écrits techniques des pilotes et des marins) aux écrits des Anciens. (cf Géographe de plein vent, géographe de cabinet »par Marie-Claire Robic - 2016)
² Guide des termes de marine (Chasse Marée, 1997)
³ L’ habiter selon Eric Dardel, est « un mode de connaissance du monde et un type de relations affectives loin d’une approche abstraite ou technocratique de l’espace. »
Amuras is a project completed between 2020 and 2023, in the Algarve, land of famous Portuguese explorers.
The itinerant practice of plein vent ¹ operates by setting a course and drifting.
A tack (amuras in Portuguese) is a nautical term to indicate the position of a boat relative to the wind, more precisely the side where the tacks receive the wind. We say port tack when the boat receives the wind from port (left side of the boat) or on the starboard tack if the wind is coming from the starboard (right side of the boat).²
The idea is to maintain dynamic and non-binary relationships with space, experience it rather than assigning it functions or knowledges.
It is rather about mobilizing the body and the senses in order to open up possibilities in the way of inhabiting³ a place.
The slow and irregular rhythm of the walk settles into the space. I walk with an attitude of availability and receptiveness for detour.
Amuras unfolds like a rhythmical arrangement of thought and daydreams that resonate.
With each steps and engaged with History of geographic exploration, the territory becomes the movement of my desires. I read the sensitive space as if it spoke directly to me.
Reality infused with expressions of the body and the world and feeds a desire to embrace the passing. The sensory combinations make waver common codes, points of views unfold, creating new spaces to inhabit. ³
Film photographique réalisé par Nicolas Serve / Musique : Nine Inch Nails / Projet de A.K Whispers
Ayant grandi dans une zone pavillonnaire du Nord de la France, je me suis intéressé à la nature de ces espaces.
Ces quartiers semblent bien éloignés de la réalité des grandes villes de par leurs caractères aseptisés. Pas de monuments historiques, ni de prouesses architecturales et une zone économique peu attractive, alors la forme répétitive et monotone de ces espaces nous conduit-elle forcément à l’ennui? Comment alors réussir à dialoguer avec un espace aussi peu propice à l’émerveillement?
Aux confins des villes et en bordure des champs, les parcelles de maisons individuelles sont légions. Je marche dans des espaces sans repères. L’impression globale d’absence est prégnante. Des culs-de-sac me renvoient sur le chemin de longues rues ponctuées de maisons similaires. Certaines rues portent le nom de célèbres peintres de la Renaissance : Allée Raphaël, Rue Michel-Ange... Est-ce là une tentative de réenchanter ces quartiers? Puis, un chat noir se fige et me scrute. Quel type d’animal viendrait s’aventurer dans un endroit aussi commun? À part des briques rouges, des pelouses ou des boîtes aux lettres, qu’y a-t-il à voir? Le soin bienveillant du propriétaire sur son habitat ne passe pas inaperçu, mais ce décorum ne vise-t-il pas à combler un espace en quête de sens?
JOURNEY TO THE END OF THE BOREDOM
Having grown up in a suburban area in the North of France, i became interested in the nature of these spaces.
These districts seem to be so different from the reality of big cities because of their impersonals characteristics. No historic buildings, no outstanding architecture, an unattractive economic zone, so does the repetitive and monotonous form of these spaces necessarily lead us to boredom? How can we interact with a space so unpropitious for wonder? At the outskirts of towns and on the edges of fields, individual house plots are numerous. I walked in formatted spaces. The overall impression of absence is striking. Dead end streets send me back on the path of long streets punctuated by similar houses. Some streets bear the names of famous Renaissance painters : Raphaël Way, Michael-Angelo Street. Is this an attempt to re-enchant these areas? Then a black cat freezes and scrutinizes me. What kind of animal would venture into such a common place?
Apart red bricks, lawns and mailboxes, what is there to see? The benevolent care of the owner for its habitat does not go unnoticed, but isn’t this decorum aimed at filling a space in search of meaning?
https://loeildelaphotographie.com/fr/marc-vidal-voyage-au-bout-de-lennui/
Ces photographies prises sur le vif lors de voyages ou d’événements, documentent la globalisation et les modes de vies consuméristes.
La machine à produire de la consommation et du prêt-à-penser semble inépuisable.
En jouant sur l’accumulation d’images aux cadrages fermés, les temps de respiration s’amenuisent, cédant leurs places à des juxtapositions de vitesses.
Bien que les signes se déploient de façon invasive, des espaces de distanciation se libèrent par l’absurde.
Show must go on is a series of candid photographs taken during travels or events, documenting globalization and consumerist lifestyles.
The ready to think and consume machine seems inhexhaustible.
Playing with accumulation of pictures with closed frames, breathing times diminish, giving way to juxtapositions of speeds.
Although signs are spreading invasively, spaces of distancing are released by absurd.
Sillonnant les rues de Tokyo et de Kyoto dès la tombée de la nuit, un sentiment paradoxal de crainte et de fascination m’invite à poursuivre ce cheminement dans l’inconnu.
Les signes s’allument dans la pénombre et se répondent, le temps semble suspendu, l’imaginaire se déploie sur les surfaces sensibles.
Des images se forment et participent à la construction d’une histoire fictive.
En référence au plot point cinématographique, ces photographies représentent les pics de tension et les moments où l’histoire va basculer et prendre une nouvelle direction.
When night falls as I criss-cross the streets of Tokyo and Kyoto, my search for images takes place in a strange atmosphere.
A contradictory feeling of fear and fascination pushes me to continue my route into the unknown.
These nocturnal pictures, like a juxtaposition of unresolved time, are the links that contribute to the creation of a fictional story.
In referring to night-time fantasies and also to a turning point in cinema, these photographs allow us to enter another place either real or imaginary.
They represent the peaks and the times when history wavers and follows a different direction.